Le joueur d'échecs de Zweig au Lucernaire
Je suis allé voir hier soir au Théâtre du Lucernaire à Paris la pièce "Le joueur d'échec" tirée de la nouvelle de Stephan Zweig. C'est un double coup de coeur qui m'amène à parler ici de ce spectacle : pour Zweig et pour ce petit et grand théâtre du Lucernaire, petit par ses 2 petites salles (la rouge et la noire), environ 200 places en tout, mais grand par la qualité de ses spectacles. Cela fait une quinzaine d'années que je le fréquente, et je ne me souviens pas d'avoir été une seule fois déçu. Je me souviens d'être sorti enthousiasmé maintes fois. |
Ce théâtre ainsi que le cinéma et le chouette café au rez-de-chaussée ont été menacés de fermeture l'an dernier et sauvés notamment grâce à la mobilisation des spectateurs et des habitants et commerçants du quartier. C'est une bonne nouvelle. Savourons la.
L'intrigue du Joueur d'échec : le narrateur, très modeste joueur d'échecs, embarque sur un paquebot pour une traversée de 15 jours en même temps que le champion du monde de ce jeu, Czentonic, réputé imbattable mais également homme de peu d'éducation. Le narrateur fait alors la connaissance d'un texan vaniteux qui provoque Czentonic sur son terrain. Au cours d'une des parties qui s'ensuivent, intervient un autre passager, autrichien comme le narrateur, dont les conseils avisés permettent de mettre Czentonic en échec. Celui-ci, piqué au vif, propose alors à l'inconnu une nouvelle partie le lendemain. |
La suite est terrible et je vous invite à lire la nouvelle de Zweig pour la connaître. Et si vous le pouvez, allez voir cette pièce où André Salzet joue seul tous les personnages du drame avec une superbe maestria. A la fin de la pièce (qui dure moins d'une heure), le comédien revient dire quelques mots au public, resituant la nouvelle dans la vie de Zweig (écrite en exil en 1941, l'oeuvre évoque très précisément la période de l'Anschluß et les exactions qui l'ont accompagnée; profondément meurtri comme est l'un de ses personnages par cette ignominie, Zweig se donnera la mort avec sa compagne en 1942). André Salzet nous explique très brièvement qu'il a dépassé les 800 représentations de cette pièce (!) et que pour lui, chaque représentation est différente. Chapeau l'artiste !
[J'ai emprunté l'image de l'affiche au site au-theatre.com qui donne sur cette page les coordonnées du spectacle et des avis de spectateurs.]
6 Commentaires:
Oui, cette nouvelle de Zweig est magnifique et terrible à la fois. Je te conseille chaudement. Je l'avais lue il y a bien longtemps et j'en avais oublié presque tous les éléments. Zweig est un des auteurs germanophones que je préfère. Mais j'avoue avoir d'immenses lacunes de ce côté là (aussi). Comme disait quelqu'un "j'ai quelques lacunes dans mon ignorance". C'est une phrase que j'aime bien.
En parlant d'auteur germanophone, ça me fait penser que j'ai un Peter Handke à lire pour mon cercle de lecture. Je n'ai lu jusqu'à présent que son court roman La femme gauchère (lue il y a peut-être 25 ans, je n'en ai plus de souvenirs) mais j'ai aussi en mémoire quelques adaptations cinématographiques de Wim Wenders telles que L'angoisse du gardien de but au moment du penalty, film qui m'avait laissé atone (on dirait aujourd'hui "à l'ouest") pendant plusieurs jours. J'avais alors 21 ou 22 ans. Je faisais des études d'ingénieur qui m'ennuyaient profondément. Je cherchais une ligne de fuite. Incapable de gagner ma vie, ma fuite ne pouvait être qu'imaginaire et l'imaginaire de Wim Wenders (je pense aussi à son Aguirre et la colère de Dieu) rencontrait le mien.
Encore aujourd'hui, j'essaie de ne pas trahir ces affinités là, même si l'identification est moins forte. Heureusement, d'ailleurs : l'échappée du gardien de but, si je me souviens bien, n'est pas vraiment une partie de plaisir ! Ca relève plutôt du cauchemar !
Oups, en relisant, j'ai réalisé que Aguirre et la colère de Dieu était un film de Werner Herzog (avec Klaus Kinski, fantastique dans le rôle titre) et non de Wim Wenders. C'était deux de mes cinéastes favoris à cette époque là.
La collection est très belle ! Ca donne envie de la collectionner (en cachette du Bookcrossing !!!).
Oui, oui, Goodbye Lenin ! était un film excellent (je l'avais mis au premier rang de mes meilleurs fims en 2003) et ça donnait l'impression que le cinéma allemand allait revivre. Mais je n'ai plus rien vu de ce côté là en 2004. Wim Wenders a fait un film aux USA (et sur les USA) que j'ai manqué. As-tu vu autre chose ?
Je me suis amusé à compter combien j'en avais lu sur les 50 de la liste du SudDeutsche Zeitung.
J'en compte seulement 6 :
Die unerträgliche Leichtigkeit des Seins.
von Milan Kundera
Der Name der Rose.
von Umberto Eco
Stadt aus Glas.
von Paul Auster
Das Bildnis des Dorian Gray.
von Oscar Wilde
Der Liebhaber.
von Marguerite Duras
Wenn ein Reisender in einer Winternacht.
von Italo Calvino
Si Der Fangschuss von Marguerite Yourcenar est bien "L'oeuvre au noir" alors cela fait 7.
Par ailleurs j'ai vu (au moins) deux adaptations au ciméma : Die Angst des Tormanns beim Elfmetervon Peter Handke et Der englische Patient von Michael Ondaatje (sans compter Le nom de la rose). Je crois avoir vu aussi l'adaptation de Wiedersehen in Howards End von Edward M. Forster, mais je n'en suis pas certain.
J'ai dans ma bibliothèque 3 ou 4 autres de ces romans que je pas encore lus, notamment :
Das Hotel New Hampshire.
von John Irving
Ein Porträt des Künstlers als junger Mann.
von James Joyce
Die Akazie.
von Claude Simon
La liste nettoyée est ici.
A la réflexion, il me semble avoir lu Le portrait de l'artiste en jeune homme de James Joyce (au moins en partie) mais il me reste à lire celui qui est juste à côté et qui s'intitule Portrait de l'artiste en jeune chien de Dylan Thomas.
merci de m'avoir indiqué ces 2 films. Comme je te l'ai dit par mail, l'émission de France Inter "Le masque et la plume" a été très négative pour Der Untergang (La chute). Mais ce n'est qu'une émission, et il y avait quand même 1 critique (sur les 4 présents) qui défendait le film et conseillait d'aller le voir.
Nous parlions de Peter Handke un peu plus haut. Voici une citation tirée de La femme gauchère que j'ai trouvée sur le site de Gilles Jobin :
L'homme dont je rêve sera celui qui aime en moi la femme qui ne dépend plus de lui. -Et qu'aimerez-vous en lui ? - Cette sorte-là d'amour.(La femme gauchère, trad. Georges-Arthur Goldschmidt, p.64, Éd. Folio n°1192)
C'est beau... et malgré tout, un peu daté, je trouve. Existe-t-il aujourd'hui, dans le monde occidental, une seule jeune femme qui dépende encore d'un homme (hormis par une dépendance volontaire) ? Oui, il en reste encore probablement. Mais elles sont extrêmement minoritaires, il me semble.
Mais je parle statistique alors que Peter Handke parle des êtres. Et il en parle avec une émotion contrôlée (celle de la tragédie classique ?) qu'on retrouve aussi chez Marguerite Duras, je trouve. C'est vrai que par moment, on a l'impression d'entendre Sarah Bernhardt ! ;-)
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